Jeudi 11 octobre, Mark Zuckerberg, le président-directeur général de Facebook Inc. a dévoilé le nouveau nom de son groupe : Meta. À ne pas confondre avec le réseau social Facebook qui continuera à se nommer ainsi. C’est la maison mère, également possesseur de Messenger, WhatsApp, Instagram et Oculus, qui change d’identité.

Le choix du nom Meta renvoie au métavers, la nouvelle pierre angulaire du groupe de Mark Zuckerberg pour les décennies à venir. Selon lui, ce métavers serait « le Graal des interactions sociales » ou encore « la prochaine étape de l’internet mobile ».

Meta n’est pas la seule dans la course au métavers. En effet, elle est suivie de près par Microsoft, ou encore Tencent, le mastodonte chinois derrière QQ et WeChat. Mais pourquoi diable tous les géants de la tech se penchent-ils sur le métavers ?

C’est quoi le métavers ?

Le métavers n’est pas : « une réalité virtuelle », un « monde virtuel » ou un « jeu ». Il est popularisé par Snowcrash, un roman de science-fiction des années 80 qui a été repris au cinéma, notamment dans Ready Player One.

L’idée est simple. Le métavers désigne « un monde en temps réel et toujours actif, dans lequel un nombre illimité de personnes pourront participer en même temps. Il disposera d’une économie pleinement fonctionnelle et couvrira les mondes physique et numérique. […] De nombreuses personnes et entreprises créeront le contenu, les magasins et les expériences qui le peupleront » définit Matthew Ball, journaliste au New York Times.

À l’instar d’un Minecraft avec ses serveurs dédiés, – pour du « farming » (jeu d’exploitation agricole) ou des combats – le métavers comportera des communautés virtuelles connectées à l’infini où les gens peuvent travailler, socialiser ou jouer. Le jeu vidéo mis à part, ce fonctionnement est similaire au forum Discord, ou à nos navigateurs. Chaque lien nous conduit à un espace complètement différent, avec son contenu et son objectif.

Comment y accèdera-t-on ? Très probablement grâce à des casques de réalité virtuelle (VR) ou des lunettes à réalité augmentée (AR).

Pourquoi ça peut marcher ?

Le chef de Meta avance que son innovation va révolutionner notre quotidien, du travail au divertissement, en passant par le sport. Il sera possible de recréer virtuellement une copie de sa maison où se déplacera notre avatar ; ou d’organiser des fêtes virtuelles par exemple. Mark Zuckerberg indique même qu’il sera possible de se téléporter à n’importe quel endroit et à n’importe quelle époque.

Fini les interactions sur nos écrans faites de cliques et de pianotages. Place à l’immersion sensorielle : des gestes, des mots et mêmes des pensées pourront être interprétés afin de produire une action sur nos appareils.

Du jamais vu ?

Concrètement, une évolution d’internet proposant une combinaison des mondes en ligne, physique, la réalité virtuelle et augmentée, reste à ce jour inédite.

Des produits promettant plus d’immersion, de couches superposées à la réalité et d’interopérabilité ont cependant déjà existé. Sur le chemin menant au métavers, on trouve quelques innovations s’inscrivant dans la même lignée comme les Google Glass. Ce programme ambitieux de Google avait pour but de commercialiser une paire de lunettes en réalité augmentée. Mais par manque d’application et à cause de leur prix élevé, le projet est avorté en 2015. L’autre exemple, c’est le jeu vidéo Half-Life : Alyx, conçu intégralement pour la réalité virtuelle et compatible avec différents casques VR. Enfin, World of Warcraft possède des économies fonctionnelles où des personnes réelles échangent des biens virtuels ou effectuent des tâches virtuelles contre de l’argent réel.

Ossama, développeur de jeux vidéo chez Madbox, voit dans la course aux métavers, un scénario similaire à l’irruption des premiers smartphones. Il prend pour exemple Apple qui lance en 2007 sur le marché de la téléphonie mobile : l’iPhone. Celui-ci fait naître et exploser le secteur des smartphones créant une concurrence acerbe entre les différents constructeurs, encore aujourd’hui.

Quel métavers pour le monde ?

Si Meta est la seule société de la Silicon Valley à posséder les moyens de réaliser ce projet, le métavers tel qu’annoncé est encore loin d’être au point. À vrai dire, le travail pourrait s’étaler sur plusieurs décennies. Dans une tentative de montrer les leçons tirées lors des gigantesques polémiques de ces deux dernières années, le géant américain précise qu’une attention particulière sera accordée à la confidentialité et à la sécurité.

Le groupe, par son positionnement d’experts en technologie sociale, considère les interactions de l’AR et la VR comme la suite logique des appels vidéos et audio vers des connexions immersives. L’intégration des casques de réalité virtuelle Oculus et la réalité augmentée présente sur Instagram, indiquent que le groupe avance dans cette direction.

Schéma des applications susceptibles de figurer dans le métavers de Tencent – Crédit : Blog Not Boring de Patrick McCormick

Face à eux, les rêves de Tencent pourraient contrecarrer les plans de Meta. Ce géant chinois de la tech a bien compris que la richesse du métavers résiderait dans l’intégration stratégique d’applications que nous utilisons aujourd’hui. Pour preuve, Tencent est actionnaire de Epic Games (40% des parts), Snapchat (12%), Spotify (10%) ainsi que dans certaines références du commerce en ligne.

Finalement, parmi les autres projets de métavers déjà annoncés, on retrouve Microsoft, pour un produit qui sera dédié aux entreprises. Un regroupement étatique de sociétés sud-coréennes œuvre pour la création d’un métavers, dans un pays déjà imprégné de mondes virtuels comme en témoignent les succès de l’e-sport, de Zepeto et Weverse, deux communautés thématiques en ligne.

Une innovation qui vient avec son lot de critiques

Nombreux sont les détracteurs du métavers. « Les investissements colossaux sur ce nouvel internet du futur, cache une volonté de Meta de posséder l’internet de demain » affirme l’entrepreneur-développeur Can Olcer sur son blog personnel. Facebook est, d’ores et déjà, synonyme d’internet dans certains pays. En effet, la société est partenaire de fournisseurs d’accès pour un usage de leurs applications, à coût réduit pour la population locale du Pérou, de l’Inde, ou du Nigeria par exemple.

En apparence, Meta vante les mérites d’un internet du futur libre et accessible par tous et de n’importe où. Et si leur changement de nom était surtout une manière de s’assurer les pleins pouvoir du web de demain ? C’est ce que soupçonne Olcer, qui préconise plutôt au groupe de commencer par décentraliser les réseaux sociaux Facebook, Twitter et Instagram. L’idée serait de laisser la possibilité aux utilisateurs d’héberger partiellement la plateforme via un réseau de serveurs interconnectés, et de rendre leur code source accessible aux développeurs.

En termes d’expérience utilisateur, certaines critiques sont virulentes. Paris Marx du magazine britannique TribuneMag, fustige une vision du futur qui contraindrait les gens à rester assis à la maison avec leurs équipements VR, au lieu de sortir voir le vrai monde.

Wes Felon, journaliste chez PC Gamer, avance que l’expérience proposée par le métavers ne diffère nullement de l’internet actuel. Alors que vient s’ajouter une couche tridimensionnelle grâce à l’AR et la VR. Enfin, selon le journaliste, les géants de la tech oublieraient de prendre en compte qu’un futur hyperconnecté renvoie encore une image dystopique dans l’imaginaire collectif. On citera en exemple la multiplication d’œuvres abordant le sujet : des romans d’anticipations de Philip K. Dick jusqu’au récent Black Mirror

SOURCES – Pour aller plus loin :

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