Depuis plusieurs années, les contenus liés à l’astrologie se multiplient. Aujourd’hui, les comptes Instagram, vidéos Youtube et memes en tout genre tendent à démocratiser cette croyance auprès de nouveaux publics, parfois très jeunes. Selon une enquête IFOP publiée en décembre 2020, les 18-24 ans sont près de 70% à croire à, au moins, une parascience comme la sorcellerie, la voyance, la numérologie, ou encore l’astrologie. L’enquête révèle aussi que les Français sont 41% à faire confiance aux pouvoirs des astres. Faut-il y croire?

Discipline ayant pour objet l’étude des corrélations entre la configuration, la qualité propice ou néfaste du ciel géocentrique lors d’un événement terrestre, d’une part, et la nature, les développements de cet événement d’autre part.

Larousse.

Mais depuis les années 1970, l’astrologie est considérée comme une parascience n’ayant aucune valeur scientifique.

Les failles de nos cerveaux

Plusieurs études statistiques ont été réalisées sur le sujet, mais aucune ne permet de prouver sa validité. Celle de Shawn Carlson fait figure de référence. Ce physicien et professeur américain a demandé à des astrologues de reconnaître le thème astral d’un panel de personnes, à partir de tests psychologiques établis au préalable pour chacun des participants. Résultat ? Un astrologue aurait autant de chance de déduire la personnalité d’un individu à partir de son thème astral, que grâce au hasard.

La propension à croire en l’astrologie serait, en réalité, liée à des biais cognitifs. Il s’agit de « l’effet Barnum », aussi appelé « effet Forer» ou « effet de validation subjective ». L’effet nous induit à accepter une description vague comme s’appliquant directement à nous-même, alors que le plus souvent, elle pourrait s’appliquer à n’importe qui.

Selon Jean-Paul Krivine, rédacteur en chef de la revue Sciences et pseudo-sciences, éditée par l’Association française pour l’information scientifique, les personnes ayant des connaissances en astrologie y sont plus sensibles. C’est un processus appelé « auto-attribution ». Il rappelle le « biais de confirmation », un autre facteur psychologique bien connu. Celui-ci pousse les convaincus à se souvenir de façon sélective des prédictions ayant fonctionnées, et à oublier celles se révélant erronées.

Une croyance archaïque ?

Pour les historiens, l’astrologie est apparue pour la première fois il y a 5 000 ans en Mésopotamie. Sur des tablettes d’argiles, des érudits ont relevé les mouvements planétaires sur des tablettes d’argile. Cette parascience a traversé les siècles et les sociétés.

Jusqu’aux découvertes de Copernic au XVIe siècle sur la place du soleil au centre de l’univers, l’explication de nombreux phénomènes est venue du ciel. Lors de la grande épidémie de peste noire de 1347, les médecins étudient la conjonction des astres pour comprendre les causes du fléau. Des médecins parisiens expliquent, par exemple, que la conjonction des planètes Saturne, Jupiter et Mars dans le signe du Verseau en 1345 était responsable de la putréfaction de l’air. L’astrologie jouit d’une crédibilité inscrite dans l’Histoire.

Depuis les années 1960, un mouvement donne un second souffle à la pratique : le New Age. Ce courant lie le corps, l’âme, l’esprit et le cosmos dans un but spirituel d’ouverture au monde. Il est apparu dans les années 60 aux Etats-Unis en opposition aux croyances établies, dans une volonté de construire un monde sans violence. Il utilise des pratiques bien connues comme l’astrologie, la cartomancie, les médecines alternatives, la méditation, le yoga, le développement personnel, ou encore la loi de l’attraction. Cette dernière croyance affirme que les pensées positives attirent les expériences bienfaitrices.

Afin de bénéficier de la crédibilité de certaines de ces disciplines, l’astrologie s’est transformée. Désormais, les astrologues lisent le ciel, pratiquent la divination et conseillent de se soigner grâce à des médecines alternatives pour se développer personnellement et s’éveiller.

Le retour des sorcières

Mais loin devant les idées mystiques du New Age, c’est un mouvement politisé qui démocratise d’autant plus l’astrologie : le féminisme. 

La discipline bénéficie en particulier de la redécouverte de la figure de la sorcière, à la fois dans l’Histoire, dans la pensée politique et dans la pop-culture. En France, des essais comme Sorcière, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet ont contribué à la crédibilité de cette réhabilitation jusque dans la littérature. L’astrologie est pratiquée, à l’origine, par des acteurs très différents comme des druides aux médecins. De nos jours, c’est la figure de la sorcière qui y est associée. Entre tarot et boule de cristal, elle devient le symbole de ses pouvoirs de clairvoyance.

La discipline se diffuse sur les réseaux sociaux, et en particulier sur Tik Tok, à travers un nouvel esthétisme. Loin des images médiévistes, des sorcières auto-proclamées donnent en direct des lectures de thèmes astraux, en tirant les cartes et en promettant d’éloigner les maléfices. Cette tendance est loin d’être marginale. Le succès de Sarah Al, une sorcière suivie par 1,3 millions de personnes, le démontre. 

Du divertissement à l’arnaque

Pour beaucoup de français, l’astrologie est aussi un divertissement. Avec les confinements successifs, les Français se sont en quête de sens, allant parfois chercher des réponses dans le paranormal. Les astrologues l’ont bien compris. Les éditions Alliances Magiques proposent un jeu de Tarot des confinés. En 2020, l’entreprise a réalisé près de deux millions d’euros de chiffre d’affaires, soit 70 % de plus qu’en 2019. 

Si la pratique s’est développée, les arnaques sont elles aussi de plus en plus nombreuses. En 2020, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Mivilud) estimait que 40% des signalement reçus concernaient des questions de santé ou de bien-être.

Depuis 1994, l’exercice professionnel des arts divinatoires est autorisé en France. Cependant, il est très peu contrôlé. En mars 2021, une affaire impliquant une star de télé-réalité, Carla Moreau, a révélé les dessous de la discipline. La jeune femme aurait été victime du chantage d’une voyante, pour une somme proche des 1,2 millions d’euros. 

Cette affaire très médiatisée, en raison de la popularité de l’influenceuse, a dévoilé une pratique qui se révèle être courante. Youcef Sissaoui, le président de l’Institut national des arts divinatoires (Inad) a déclaré que « 90 à 95 % de charlatans officient en France ».

Malgré ces remises en cause, la quête de sens des français continue. L’ancien président François Mitterrand a eu recours à plusieurs voyantes, dont la célèbre astrologue Elizabeth Teissier. Elle a, d’ailleurs, rendu public leurs entrevues dans un ouvrage publié en 1997, Sous le signe de Mitterrand. Comme quoi, le phénomène touche même les plus hautes sphères du pouvoir, et ce, depuis longtemps. 

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