Du 22 au 26 mai a eu lieu, à Davos, en Suisse, le forum économique mondial, ou FEM. Cette réunion a lieu une fois par an, elle réunit les plus grosses fortunes de la planète, des politiques, des journalistes et plusieurs responsables d’associations afin de discuter des urgences mondiales. A l’ordre du jour : la guerre en Ukraine, la crise environnementale, mais aussi les inégalités générées par la crise sanitaire. Le rapport Oxfam sorti dans le sillage de la FEM est sans appel : la pandémie a été un vecteur d’un fort accroissement des inégalités économiques. Le nombre de milliardaires n’a jamais été aussi important. Ces deux dernières années, 573 nouveaux milliardaires dans le monde ont émergé, soit environ un tous les 30 heures. Le secteur de l’agroalimentaire s’en sort bien avec des bénéfices records notamment pour la famille Cargill, qui a reversé 1,13 milliard de dollars de dividende, un record. Face à ce deux poids, deux mesures, de nombreuses solutions sont sur la table pour tenter de combler un fossé de plus en plus profond. Le rapport en fait mention de quelques unes.

https://twitter.com/oxfamfrance

Taxez nous !

La première solution semble la plus évidente, taxer les plus riches. L’une des solutions proposées par Oxfam est justement d’imposer une taxe exceptionnelle sur les bénéfices générés par la pandémie. Cette demande n’est pas seulement celle des ONG, mais aussi de certains milliardaires eux-mêmes. En marge de la conférence de Davos, des grosses fortunes sont allées à la rencontre d’activistes en réclamant leur taxation. Vouloir taxer les riches n’est pas nouveau. En 1972, James Tobin, lauréat d’économie, suggère une taxe sur les plus riches appelée taxe Tobin ou taxe Robin des Bois. Elle consiste à vouloir taxer une partie des changements de devises afin d’éviter une volatilité trop grande entre monnaies. En bref pour qu’il n’y ait pas de monnaies trop puissantes. L’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (ATTAC) va plus loin en militant pour une taxe sur l’intégralité des transactions financières. Cette proposition est loin de faire consensus à l’échelle européenne et mondiale. Le Danemark et l’Autriche y sont opposés. De plus, pour une force de frappe optimale, cette mesure doit être planétaire ou au moins continentale, mais elle implique une violation du secret bancaire. 

Il faut que le gouvernement britannique augmente les impôts sur les grosses fortunes. Ce n’est pas possible de continuer comme ça. Je me sens coupable d’avoir autant d’argent alors que tant de personnes n’arrivent pas à tenir leur fin de mois. Les millionnaires payent moins de taxes que leur secrétaire !

Emma McGough, présidente de l’association “patriotic millionnaires » pour Libération, 24 mai 2022. 

Vouloir taxer les riches de manières plus importante comporte aussi un autre problème : à partir de quand est-on riches ? 

Riches ou ultras riches  ? 

La question de la richesse implique deux paramètres : le niveau de vie réel et le niveau de vie ressenti. Compter la richesse s’avère par ailleurs plus compliqué qu’il n’y paraît. Les revenus sont différents du patrimoine détenu, la traçabilité de certains comptes est parfois peu transparente… Le 1er juin 2022, l’Observatoire des inégalités a publié son rapport : « Les riches en France”. Grâce à son outil d’analyse statistique appelé le seuil de richesse, il estime qu’à partir de 3673 euros pour un adulte seul, après imposition, on est riche. Il se base sur une somme deux fois plus élevée que le revenu médian. Ce cas de figure concerne 7,6% des personnes en France. Le patrimoine (foncier notamment) représente une part importante de la richesse. Selon l’économiste Thomas Piketty, ⅔ du patrimoine provient de l’héritage. Cependant, il faut faire la différence entre riches et ultras riches. Selon le texte de Philip Korom, Mark Lutter, and Jens Beckert, appelé “The Enduring Importance of Family Wealth”, la moitié des richesses aux Etats-Unis sont détenues par les 10% les plus riches dont une forte concentration autour des 0,01%. Il semble selon Piketty que cette tendance se vérifie dans la plupart des pays occidentaux, dont la France. 

https://twitter.com/Obs_ineg/status/1532018532132831237?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1532018532132831237%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.huffingtonpost.fr%2Fentry%2Fetes-vous-un-riche-ce-rapport-a-tente-de-fixer-les-seuils_fr_629870b1e4b090b53b8193df

Abolir l’héritage 

L’héritage semble le chemin le plus court pour reproduire les inégalités économiques, mais sa forte taxation, voire son abolition, fait fortement débat. En France, les règles de l’héritage sont très complexes. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’à l’âge de 60 ans, 54% des personnes ont reçu un héritage, mais neuf fois sur dix, il est inférieur à 100 000 euros. Thomas Piketty prône comme solution : l’héritage pour tous. 

Pour changer d’approche sur la question de l’héritage, il me semble qu’il faudrait insister davantage sur ce que la taxation de l’héritage permettrait de financer. En l’occurrence, l’héritage pour tous !

Thomas Piketty sur alternatives économiques, le 8 janvier 2022. 

Sa mesure la plus ambitieuse consiste à distribuer 120 000 euros à chaque adulte à ses 25 ans. Selon lui, cela permet à ceux qui n’ont rien de posséder et ne pas baisser de manière dramatique le patrimoine des plus riches. 

On peut voir qu’il n’existe pas de solution miracle à l’aggravation des inégalités économiques. Cela implique des changements structurels et philosophiques titanesques et notamment un consensus mondial sur la conduite à adopter. Pourtant face aux défis qui se profilent et une inflation galopante (plus de 5% cette année selon l’INSEE), une distribution plus efficace des richesses semble inévitable. Les 1% les plus riches émettent 50% de l’empreinte carbone mondiale. L’égalité parfaite est inatteignable et probablement peu efficace. En revanche, les décisions politiques ont leur rôle à jouer. Pour l’instant, les réformes d’Emmanuel Macron ne vont pas dans ce sens (hausse de la contribution sociale généralisée, suppression de l’impôt sur les fortunes…). La suppression de l’ISF a été vécue comme un “cadeau” fait aux riches. On constate, en réalité, que depuis la création de l’impôt sur le revenu, en 1914, que les 1% les plus riches paient de moins en moins d’impôts. Cela dit, il s’agit de la tranche de la population qui en paie encore le plus. Les inégalités de richesse posent de vraies questions de justice sociale et à un accès des chances plus équitables. 

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